I. Les faits
La SARL C a deux associés : une personne physique, Monsieur X détenant 56 % du capital, et une SAS T détenant les 44% restant.
La SARL a clôturé, le 31 mai 2013, un résultat comptable d’un montant de 5 558 459 euros. Le résultat a été affecté de la manière suivante :
- 115 127 euros en réserve légale ;
- 3 308 209 euros en autres réserves ;
- 2 135 123 euros en dividendes.
Au cours de l’assemblée générale annuelle du 30 novembre 2013, les associés ont convenu, à l’unanimité, que : « De convention expresse entre les associés, la distribution de dividende susvisée, d’un montant de 2 135 123 euros, est, à titre exceptionnel, intégralement réservée à la SAS T ».
Considérant que cette distribution de dividendes au seul profit de la SAS T constituait une donation, l’administration fiscale lui a adressé le 19 décembre 2016 une proposition de rectification, assujettissant l’attribution des 1 199 591 euros qui auraient dû revenir à Monsieur X aux droits de mutation à titre gratuit (calculés au taux de 60%).
II. La décision
Selon le fisc, la répartition des dividendes mis en distribution par la société C résultait de la volonté des deux associés qui ont décidé que le dividende non distribué serait intégralement versé à la SAS T. Cette dernière a ainsi perçu l’intégralité des dividendes distribués alors qu’elle ne détenait que 44% des parts de la société, Monsieur X s’étant irrévocablement dessaisi de la somme de 1 199 591 euros.
La SAS T exposait quant à elle que la renonciation à un dividende s’analyse en un abandon de créance dont seule la société C est bénéficiaire et non pas la SAS T, autre associée. Elle invoquait également que la décision avait été prise non par les associés mais par l’assemblée. Selon elIe, les faits n’étaient pas constitutifs d’une donation indirecte.
Dans son analyse, la Cour souligne :
- que l’Assemblée Générale avait constaté qu’aucun dividende n’avait été distribué au titre des trois exercices précédents ;
- que la distribution de dividende intégralement réservée à la SAS T avait un caractère exceptionnel ;
- que la décision avait été prise à l’unanimité par l’assemblée générale des associés et non par Monsieur X ou par la société T.
Les juges ajoutent également qu’il n’est pas établi que Monsieur X se serait dépouillé au sens de l’article 894 du Code civil puisque cette décision a tenu compte de l’absence de dividendes servis lors des trois exercices précédents et qu’il n’est aucunement prouvé que la somme versée à la société T ait privé irrévocablement Monsieur X de sa propre part.
Enfin, au vu du résultat comptable au 31 mai 2013 d’un montant de 5 558 459 euros, il n’était pas non plus établi que les dividendes versés à la société T à hauteur 2 135 123 euros aient compris l’intégralité des dividendes ayant vocation à être versés à Monsieur X au titre de ce même exercice .
En conclusion, la Cour estime en l’espèce que les conditions d’une donation au sens de l’article 894 du Code civil n’étaient pas réunies.
III. Concrètement
On qualifiera cette décision d’originale en soulignant l’audace du contribuable et de ses conseils.
Le fisc estimant faire face à un manque à gagner sur le terrain de l’impôt sur les revenus (la distribution ayant été taxée intégralement à l’IS par le biais du régime mère/fille, alors que 50% auraient dû être taxés à l’IR) a tenté de se rattraper sur le terrain des DMTG. Les juges n’ont pas suivi son analyse.
En l’espèce, les juges ont fait prévaloir le principe de la liberté contractuelle. On attendra, le cas échéant, l’analyse de la Cour de cassation sur ce dossier.
IV. Source
Cour d’appel de Paris, 9 janvier 2023 – RG n° 21/04503
Par Excen Notaires & Conseils