I. Les faits
Le 19 octobre 1983, Madame [W] a consenti une donation au profit de ses trois enfants (Madame [I], Madame [L] et Monsieur[E]). Cette donation portait sur la nue-propriété de ses droits sur la moitié de deux immeubles dépendant de la communauté ayant existé avec son époux prédécédé. A la suite du décès de son mari, Madame [W] avait hérité de l’autre moitié des immeubles en usufruit, de sorte qu’après la donation, elle était usufruitière de l’intégralité des biens.
Le 5 juillet 2013, Madame [W] a fait donation à son fils, Monsieur [E], de l’usufruit qu’elle détenait sur les immeubles.
Le 13 juillet 2014, Madame [W] est décédée, laissant pour lui succéder ses trois enfants.
Madame [I] et Madame [L] ont assigné leur frère en partage de l’indivision successorale et en paiement d’une indemnité au titre de l’occupation des immeubles dont il était usufruitier jusqu’alors.
Monsieur [E] a contesté l’indemnité d’occupation considérant qu’il était toujours usufruitier des biens.
La Cour d’appel de Montpellier a jugé que le décès de Madame [W] n’avait pas mis fin à l’usufruit qu’elle avait donné de son vivant à Monsieur [E], de sorte que ce dernier, en tant qu’usufruitier, n’avait pas d’indemnité d’occupation à payer.
Madame [I] et Madame [L] se sont pourvues en cassation.
II. La décision
En application du premier alinéa de l’article 595 du Code civil, l’usufruitier peut librement céder son droit à titre gratuit. Cependant, en application des dispositions de l’article 617 du Code civil, l’usufruit s’éteint notamment par la mort de l’usufruitier.
Un usufruit viager a été constitué sur la tête de Madame [W], pour moitié au décès de son époux, et le 19 octobre 1983 pour l’autre moitié.
Madame [W] n’a pas pu transmettre plus de droits qu’elle n’en avait. Ainsi, malgré la donation par l’usufruitier de son droit, l’usufruit s’éteint à la mort du donateur (Madame [W]) et non du donataire (Monsieur [E]).
L’usufruit donné à Monsieur [E] avait donc vocation à s’éteindre au décès de Madame [W] et non à celui de Monsieur [E].
L’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier est donc légitimement cassé.
III. Concrètement
Un usufruit viager préconstitué portera toujours sur la tête de l’usufruitier originel. Même si cet usufruit est vendu ou donné, il s’éteindra au décès de l’usufruitier initial (donateur ou cédant).
Il nous apparaît intéressant ici de rebondir sur l’arrêt du Conseil d’état du 31 mars 2022 (CE n°458518 31/03/2022). Dans cet arrêt, le Conseil d’état a considéré qu’un usufruit viager apporté à une société est un usufruit à durée fixe, démonstration est faite ici que cet usufruit désormais détenu par une société s’éteindra au décès de l’usufruitier originel.
IV. Source
Cass. 1ère civ. n°21-13.966 05/01/2023
Par Excen Notaires & Conseils