I. Les faits
Dans le cadre du contrôle de la déclaration de succession, l’administration fiscale a adressé à l’une des filles de la défunte, une proposition de rectification d’un montant de 34 419 € de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) et 1 927 € d’intérêts de retard, en raison de chèques et de virements réalisés par la défunte à son profit, analysés comme des dons manuels taxables sur le fondement du rappel fiscal des donations antérieures prévu à l’article 784 du CGI.
Les sommes en jeu résultaient de :
- 2 virements pour un montant cumulé de 3 500 € réalisés en 2014
- 16 virements pour un montant cumulé de 17 450 € réalisés en 2015
- 6 chèques ainsi que 7 virements pour un montant cumulé de 30 096 € réalisés en 2016
Une partie des opérations ont été qualifiées de présents d’usage pour un montant total de 6 896 € (Virements à l’occasion d’un anniversaire de la fille de la défunte, ainsi que les virements d’un montant inférieur à 1000 €). L’autre partie a été qualifiée de dons manuels.
Le 15 février 2022, le TJ de Toulouse a confirmé le redressement.
L’héritière a alors interjeté appel de ce jugement en faisant valoir que les sommes visées dans la proposition de rectification étaient des remboursements d’avances préalablement consenties à la défunte et des remboursements de frais payés pour son compte (La défunte ne pouvait pas se déplacer en raison de la gravité de sa maladie).
II. La décision
La Cour souligne que la fille héritière avait tout d’abord fait état de sa situation financière difficile à la suite de redressements judiciaires suivis de liquidations judiciaires de deux entreprises qu’elle dirigeait, (liquidations judiciaires intervenues en janvier 2009 et en avril 2011), et avait indiqué qu’elle considérait que ces virements et chèques correspondaient à une aide familiale en raison de ses difficultés financières.
Cette justification n’ayant pas été retenue, elle a alors soutenu que ces sommes étaient des remboursements d’avances et de frais. Elle avait produit à cet effet des états annuels récapitulatifs des sommes payées pour le compte de sa mère et les relevés des comptes bancaires correspondants.
L’analyse de ces pièces n’a pas permis de relier les dépenses évoquées par la requérante aux virements et chèques dont elle bénéficiait de manière régulière et de plus en plus importante à l’approche du décès de sa mère].
Dans ces conditions, La Cour de Toulouse a estimé que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que l’administration fiscale en avait valablement déduit des différents transferts de fonds réalisés entre 2014 et 2016, des comptes bancaires de la défunte vers le compte bancaire de sa fille, le caractère de libéralités à rapporter dans la déclaration de succession.
III. Concrètement
Jurisprudence classique qui illustre que la frontière entre présent d’usage et dons manuels est très stricte.
Depuis 1804, le Code civil dispose : « Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant. » Une loi de 2007 est venue ajouter que le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. Il appartient au cas par cas à l’administration, sous le contrôle du juge de fixer la qualification des opérations.
Le présent d’usage est un cadeau que l’on remet à l’occasion d’un événement particulier. Cela peut être pour une naissance, une remise de diplôme, un permis de conduire, un mariage… Ces cadeaux ne doivent pas être disproportionnés par rapport à la situation financière et au patrimoine de celui qui l’offre.
Difficile en pratique de fixer avec exactitude un plafond. Il faut donc savoir être habile et raisonnable.
IV. Source
CA Toulouse n°22/01745 13/02/2024
Par Excen Notaires & Conseils