I. Les faits
Monsieur [N] est décédé en juin 2010, en laissant pour lui succéder :
- Son épouse, Madame [M],
- Leurs deux enfants, [J] et [T],
- Et un fils né d’un premier mariage, Monsieur [X].
De son vivant, Monsieur [N] a rédigé un testament olographe daté du 17 janvier 2010 et a institué son épouse, Madame [M], légataire de la pleine propriété de ses liquidités et valeurs et de l’usufruit de tous les biens meubles et immeubles qui composeraient sa succession.
Dans le cadre du partage de la succession, le fils du défunt, Monsieur [X] a estimé être lésé au regard de l’imputation du legs au profit du conjoint survivant sur ses droits légaux.
En effet, l’analyse de la succession montrait :
- L’imputation du legs en pleine propriété au profit de l’épouse d’une valeur inférieure à sa vocation légale ;
- Le legs en pleine propriété a été complété par un droit en pleine propriété supplémentaire à concurrence de la vocation légale égale à un quart de la succession ;
- Enfin, un legs en usufruit, en complément à la vocation légale, a était appliqué.
Considérant que l’imputation des legs sur la vocation légale concernait à la fois la libéralité en pleine propriété et la libéralité en usufruit convertie en capital, Monsieur [X] a demandé la réouverture de la succession de son père.
Monsieur [X] a estimé qu’il fallait en l’espèce :
- Imputer le legs en pleine propriété et le legs en usufruit, converti en capital, sur la vocation légale de l’épouse,
- Constater que l’imputation de legs en PP et en US excédait la vocation légale,
- Appliquer le reliquat de legs en usufruit qui n’avait pas pu être imputé sur la vocation légale.
Pour mieux comprendre l’enjeu, voici une illustration des deux liquidations envisagées :
En juin 2021, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande de Monsieur [X] qui s’est alors pourvu en cassation.
II. La décision
La Cour de cassation a rappelé dans un premier temps, qu’en application des dispositions de l’article 757 du Code civil, la vocation légale du conjoint survivant se limite au quart des biens en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux (la vocation portant sur l’usufruit de la totalité des biens existants ne trouvant pas à s’appliquer ici).
La Cour a précisé dans un second temps, qu’en application des dispositions de l’article 758-6 du même code, les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant (par donation ou legs) s’imputent sur la vocation légale. Cependant, si ces libéralités sont inférieures à la vocation légale, le conjoint survivant peut réclamer le complément, sans jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité disponible spéciale entre époux définie à l’article 1094-1 du Code civil.
Fort de ces éléments, pour la détermination des droits successoraux du conjoint survivant les legs consentis à Madame [M] devaient d’abord, non pas se cumuler, mais s’imputer en intégralité sur les droits légaux de celle-ci.
Dès lors, il y avait lieu de :
- Calculer la valeur totale de ces legs, en ajoutant à la valeur des droits légués en propriété, la valeur des droits légués en usufruit convertie en capital ;
- Comparer le montant ainsi obtenu à la valeur de la propriété du quart des biens calculée selon les modalités prévues à l’article 758-5 du Code civil ;
- Attribuer le reliquat de legs en usufruit qui n’avait pas pu être imputé sur la vocation légale.
III. Concrètement
L’imputation des libéralités consenties au conjoint survivant fait l’objet d’un régime spécifique différent de la réunion fictive et du rapport.
La Cour de cassation vient nous apporter ici une précision d’une grande importance, puisque l’imputation des libéralités sur la vocation légale concerne les gratifications en pleine propriété mais également les donations et legs en usufruit, convertis au préalable en capital.
IV. Source
Cass. 1ère civ. n°21-20.520 17/01/2024
Par Excen Notaires & Conseils