I. Les faits
La SARL [X] a procédé, lors d’une AGE qui s’est tenue en octobre 2016, à une réduction de son capital social par voie de rachat de 158 parts sociales suivie de leur annulation immédiate. Le capital social a été réduit de 31,6% se matérialisant par l’attribution d’une somme de 912 889,69 € au profit des cinq associés sortants ; somme prélevée sur :
Le capital social à concurrence de 2 408,69 € (le capital social est réduit de 7 622,45 € à 5 213,76 €) ;
Le poste « autres réserves » à hauteur de 910 481 €.
Cette opération a été placée sous le régime fiscal des plus-values sur titres en application du 6° de l’article 112 du CGI.
L’administration fiscale a estimé que les sommes versées par la SARL [X] aux associés sortants constituaient des revenus distribués au sens du 1° de l’article 109 du CGI, donc imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
La SARL [X] a formé une réclamation préalable le 8 octobre 2020, qui a été rejetée par décision du 27 novembre 2020. Le TA de Martinique a confirmé le redressement en mai 2022. Les intimés ont alors interjeté appel de la décision.
II. La décision
La Cour a rappelé dans un premier temps que sont déductibles des revenus fonciers en application du a), b) et b bis) du 1° du I de l’article 31 du CGI :
A. Remarque préalable
Dans cette affaire, l’administration n’a pas utilisé la procédure de répression des abus de droit (LPF, article L 64). Cependant le contribuable estimait que l’administration s’était implicitement placée sous l’angle de l’abus de droit, sans y faire référence et donc sans respecter la procédure attachée à ce dispositif (« abus de droit rampant »). Les juges écartent l’erreur de procédure en affirmant de manière laconique que l’administration s’est bornée à déterminer le régime fiscal qu’elle estimait applicable à l’opération.
B. L’analyse des juges
Les juges soulignent qu’il résulte de l’instruction, point qui n’est d’ailleurs pas contesté par la SARL [X], que l’unique objectif de ce rachat était la réduction de son capital social par diminution du nombre de ses titres.
Or, dès lors que cette réduction de capital n’était pas motivée par des pertes, elle s’est traduite par une répartition, au profit des associés, de sommes qui, eu égard à la finalité de l’opération, répond au régime fiscal prévu au 1° de l’article 112 du CGI à savoir un remboursement d’apports à hauteur de 2 408,69 €.
Ainsi, dès lors que les autres réserves n’avaient pas été auparavant réparties, c’est à juste titre que l’administration fiscale a estimé que les sommes versées aux associés sortants présentaient le caractère de revenus distribués pour la fraction excédant le remboursement des apports soit 910 481 €.
III. Concrètement
Pour les rachats de titres effectués depuis le 1er. janvier 2015, les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires personnes physiques relèvent du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux (Article 88 de la LFR pour 2014). Ainsi, les dispositions du 6° de l’article 112 du CGI indique que ne sont pas considérées comme des revenus distribués les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre de rachat de leurs actions.
En l’espèce, les juges estiment que la réduction de capital non motivée par des pertes, se matérialise par un remboursement des apports exonéré et par la distribution des réserves imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Sur le fond, la décision nous semble conforme au droit applicable. Cependant, cette affaire soulève, à nos yeux, une interrogation quant à la procédure de redressement utilisée par le fisc. Pour l’ensemble des affaires semblables, l’analyse des contentieux montre que le fisc a utilisé la procédure de répression des abus de droit. On attendra l’éventuelle analyse du Conseil d’État sur ce point.
IV. Source
CAA Bordeaux n°22BX01822 16/04/2024
Par Excen Notaires & Conseils