I. Les faits
En décembre 2018, Monsieur [D], gérant et associé unique de la SARL [J], a cédé l’intégralité de ses parts sociales. L’acte de cession stipulait une convention de garantie de passif et d’actif net.
La société [B], cessionnaire, a reproché à Monsieur [D] d’avoir prélevé, avant la cession, au titre de sa rémunération afférente à l’exercice 2018/2019 débuté le 1er avril 2018, 39 805 € dont le versement n’avait pas été autorisé par l’assemblée de l’associé unique.
La société [J], objet de la vente, et la société [B] ont assigné Monsieur [D] en paiement de 26 371 € au titre de la rémunération et 13 434 € au titre des cotisations sociales afférentes ainsi que de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.
En avril 2022, la Cour d’appel de Dijon a rejeté la demande des sociétés [J] et [B]. En effet, elle a estimé que l’absence de décision de l’associé unique portant, pour l’exercice débuté le 1er avril 2018, approbation de la rémunération du gérant et mise à la charge de la société [J] des cotisations sociales afférentes n’était pas de nature à priver Monsieur [D] de sa rémunération. De plus, la Cour d’appel a retenu que la rémunération de Monsieur [D] pour un exercice donné avait toujours été approuvée par une décision intervenue après la clôture de l’exercice concerné, et qu’il en était de même pour la mise à la charge de la société [J] des cotisations sociales afférentes. Il a été estimé que cette situation ne pouvait être ignorée de l’acquéreur.
Les sociétés [J] et [B] se sont pourvues en cassation estimant :
- Que Monsieur [D] avait garanti dans la convention de cession, qu’aucune modification n’interviendrait quant à la rémunération du gérant ;
- Et que la vente avait fait perdre à Monsieur [D] sa qualité d’associé ne lui permettant plus de procéder à l’approbation a posteriori de sa rémunération, comme il le faisait habituellement.
II. La décision
La Cour de cassation a rappelé qu’en application des dispositions de l’article L223-18 du Code de commerce, la rémunération du gérant d’une SARL ou EURL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés.
En l’espèce, les statuts de la société [J] stipulaient que la rémunération du gérant devait être déterminée par UNE décision collective des associés. Or, la rémunération qui a été versée à monsieur [D] pour l’exercice débuté le 1er avril 2018 ainsi que les cotisations sociales afférentes n’ont pas été approuvées par une telle décision.
La Haute Cour tranche en soulignant que le cessionnaire ne pouvait ignorer que la rémunération et les charges sociales afférentes approuvées par une décision prise après la clôture de l’exercice concerné, la cour d’appel, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.
La Cour de cassation a donc condamné Monsieur à rembourser la somme 39 805 € ainsi que l’application des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
III. Concrètement
Le gérant d’une SARL ou d’une EURL doit (devrait) réaliser 3 assemblées générales au titre de chaque exercice comptable :
- Une première assemblée générale tenue en début d’exercice a pour objet de fixer la rémunération du gérant ainsi que l’ensemble des avantages en nature tels que :
- La prise en charge des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération ;
- La prise en charge des cotisations sociales facultatives (Madelin mutuelle, Madelin prévoyance et Madelin retraite) ;
- La mise à disposition d’un véhicule de fonction ;
- La mise à disposition d’outils de nouvelles technologies et de communication (mobile, tablette) ;
- Les modalités de défraiement le cas échéant (indemnités kilométrique, transports, hôtel) ;
- L’accès à l’épargne salariale et à l’éventuel abondement ;
- Etc.
- La prise en charge des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération ;
- Une seconde assemblée générale établie en fin d’exercice doit déterminer l’éventuel complément de rémunération (part variable) du gérant au regard des performance de la société.
- Une troisième assemblée générale tenue dans les six mois de la clôture de l’exercice qui a pour objet d’affecter le résultat de l’exercice clos. En cas de mise en distribution, la prise en charge des cotisations sociales sur dividende doit être traitée, d’autant plus qu’elle constitue un élément de la rémunération du dirigeant si elles sont payées par la société en sus du dividende versé.
IV. Source
Cass. com. n°22-18.957 29/11/2023
Par Excen Notaires & Conseils