DUTREIL ET ENGAGEMENT REPUTE ACQUIS : QUI DOIT EXERCER UNE FONCTION DE DIRECTION ? 

16.02.24

I. Les faits

Monsieur [T] a transmis par don manuel en juin 2011, des actions de la société [K] à chacun de ses deux enfants. A cette date, Monsieur [T] détenait seul, depuis plus de deux ans, 34 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux actions données. Soulignons que Monsieur [T] exerçait, depuis plus de deux ans, les fonctions de président du conseil de surveillance de la société [K].

Dans le cadre de la déclaration fiscale des dons manuels, le bénéfice du dispositif Dutreil a été demandé en application de l’article 787 B du CGI.

En décembre 2016, l’administration fiscale a remis en cause cette exonération partielle, considérant que les conditions relatives à l’engagement réputé acquis n’étaient pas remplies. En effet, seul Monsieur [T], donateur, a exercé des fonctions de direction de la société [K] post-donation.

En novembre 2021, la Cour d’appel de Bordeaux a confirmé le redressement d’un montant de l’ordre de 600 000 €, considérant que le donateur ne pouvait plus exercer de fonction de direction dans la société après la transmission.

Les enfants donataires se sont alors pourvus en cassation.

II. La décision

  1. Sur l’exercice des fonctions de direction par le donateur post-donation

La Haute Cour rappelle que l’exonération de 75% est notamment conditionnée au respect d’un engagement collectif de conservation (E.C.C.) d’une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés (l’engagement unilatéral n’était pas possible au moment des faits – il a été rendu possible par la loi de finances pour 2019).

De plus, il est également nécessaire que l’un des associés signataire de l’ECC ou l’un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société, pendant la durée de l’ECC et pendant les trois années qui suivent la transmission, l’une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 O bis du CGI lorsque cette société est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

La Cour de cassation a infirmé l’analyse de la Cour d’appel de Bordeaux en estimant que le donateur pouvait tout à fait exercer des fonctions de direction de la société objet de la donation, après la transmission.

Mais il ne pouvait exercer seul ces fonctions…

B. Sur l’exercice d’une fonction de direction par l’un des donataires post donation

La Cour de cassation rappelle qu’en cas d’engagement réputé acquis (E.R.A.), l’exonération partielle est conditionnée à ce que, pendant les trois années qui suivent la transmission, l’un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société l’une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 O bis du CGI, lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

En l’espèce, si l’exercice de la fonction de direction par Monsieur [T] n’est pas remise en cause, l’exercice par l’un des enfants donataires était obligatoire. A défaut d’exercice d’une fonction de direction par l’un des enfants de Monsieur [T], l’exonération partielle est à juste titre remise en cause par l’administration fiscale.

III. Concrètement

Le dispositif Dutreil permet d’éviter l’engagement unilatéral ou collectif de conservation d’une durée minimum de deux ans. Pour cela, il convient de faire valoir l’engagement réputé acquis (E.R.A.) en application des dispositions du a, du quatrième alinéa du b, et du d l’article 787 B du CGI.

L’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 %, en cas d’engagement collectif réputé acquis, ne s’applique que lorsque, pendant les trois années qui suivent la transmission, l’un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société :

  • Son activité professionnelle principale, si celle-ci est une société de personnes,
  • L’une des fonctions énumérées au 1° du 1 du III de l’article 975 code, lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

Les fonctions de direction énumérées au 1° du 1 du III de l’article 975 du CGI sont :

  • Gérant, nommé conformément aux statuts d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions,
  • Associé en nom d’une société de personnes,
  • Président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions.

Les jugent confirment ici une position administrative constante.

Le Bofip applicable à l’époque des faits indiquait déjà cette solution. Cette dernière a ensuite été confirmée par une réponse ministérielle (Rep min . Moreau, 7 mars 2017, n° 99 759) désormais intégrée dans la dernière version du BOFiP publiée le 21 décembre 2021 (BOI ENR DMTG 10 20 40 10, n° 395).

Cette décision illustre sur ce point la portée relative d’un engagement réputé acquis par rapport à celle d’un engagement signé. Seul un engagement signé permettra au donateur d’exercer seul la fonction de direction.

IV. Source

Cass. Com. n°22-10.413 24/01/2024

Par Excen Notaires & Conseils

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