Le régime de participation aux acquêts est un régime hybride fonctionnant comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens pendant le mariage.
En revanche, à la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
I. Les faits
A l’occasion du divorce d’époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts, un litige nait entre les époux à propos de l’évaluation de l’officine de pharmacie appartenant à Madame, dans le cadre des opérations de liquidation de la créance de participation.
Madame, qui met en avant le fait que l’accroissement de valeur de son officine découlait de son industrie personnelle déployée au cours du mariage, considère que la valeur à retenir, tant dans le patrimoine originaire que dans le patrimoine final, est identique, conduisant ainsi à ne pas tenir compte de la plus-value de l’officine dans le calcul des acquêts nets et donc de la créance de participation.
La Cour d’appel de Grenoble lui donne raison au motif que la plus-value de l’officine de pharmacie de Madame résultait de son activité déployée au cours du mariage et non de circonstances économiques fortuites ou d’investissements de fonds et énonce que « si, dans le régime de participation aux acquêts, les plus-values volontaires consécutives à des investissements financiers effectués pendant le mariage sont considérés comme des acquêts, les plus-values résultant de l’industrie personnelle d’un époux ne doivent pas être prises en compte dans le calcul de la créance de participation, comme dans le régime de communauté où celles-ci ne donnent pas lieu à récompenses ».
Monsieur conteste la décision et se pourvoit en Cassation.
II. La décision
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et statue en faveur de Monsieur, en se reposant sur une analyse stricte des règles de détermination de la créance de participation.
La Cour de cassation rappelle que les biens compris dans le patrimoine originaire comme dans le patrimoine final sont estimés à la date de la liquidation du régime matrimonial,
- d’après leur état au jour du mariage ou de l’acquisition pour les biens originaires
- et d’après leur état à la date de la dissolution du régime pour les biens existants à cette date.
Ainsi, lorsque l’état d’un bien a été amélioré, fût-ce par l’industrie personnelle d’un époux, il doit être estimé,
- dans le patrimoine originaire, dans son état initial,
- et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l’époux propriétaire.
En conséquence, l’amélioration de la valeur de l’Officine résultant de l’industrie personnelle déployée par Madame entre le jour du mariage et le jour de la dissolution du régime matrimonial, profitera également à Monsieur dans le cadre de la détermination des acquêts nets.
III. Concrètement
Bien que le régime de la Participation aux Acquêts soit plébiscité par les époux souhaitant instaurer à la fois un cloisonnement des patrimoines tout en assurant un partage des valeurs, la question de l’actif professionnel se pose souvent pour un époux voire les deux époux.
Par cet arrêt, la Cour de Cassation nous rappelle que pour l’estimation des biens compris dans le patrimoine originaire et dans le patrimoine final, les biens doivent tous être estimés à la date de liquidation du régime matrimonial, seul l’état du bien étant susceptible de varier :
- pour les biens originaires : c’est l’état au jour du mariage ou de l’acquisition qui doit être pris en compte,
- pour les biens existant au jour de la dissolution : c’est l’état à la date de la dissolution du régime qui doit être pris en compte.
En conséquence, lorsque l’état d’un bien a été amélioré par l’industrie personnelle d’un époux, il doit être estimé :
- dans le patrimoine originaire, dans son état initial ,
- et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l’époux propriétaire.
A noter : l’insertion d’une clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation au sein du contrat de mariage ne pourrait – en l’état actuel de la jurisprudence – protéger le conjoint concerné, dans la mesure où elle a été qualifiée par la Cour de Cassation d’ « avantage matrimonial produisant ses effets lors de la liquidation du régime, révoquée de plein droit à l’occasion du divorce en application de l’article 265 du code civil, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce. » (Cour de cassation, Première chambre civile, 18 décembre 2019, 18-26.337, Publié au bulletin)
Une évolution majeure pourrait toutefois voir le jour dans le cadre de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, et transmise au Sénat le 18 janvier 2024, dans laquelle il est proposé de compléter l’article 265 du Code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« La clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation ne constitue pas un avantage matrimonial révoqué de plein droit en cas de divorce. »
L’adoption in fine d’une telle rédaction permettrait à minima de mettre fin à l’insécurité juridique pesant sur l’insertion de telles clauses conventionnelles par les époux au sein de leur contrat de mariage.
IV. Source
Cass. 1e civ. 13/12/2023 n°21-25.554
Assemblée Nationale – Proposition de loi n°228, justice patrimoniale au sein de la famille
Par Excen Notaires & Conseils