ABUS DE DROIT ET DONATION AVEC RESERVE D’USUFRUIT

03.11.23

I. Les faits

En décembre 2010, au travers d’une donation-partage, Madame Z a transmis à ses deux enfants (seuls héritiers), à titre d’avancement de part successorale, la nue-propriété d’une somme de 3,2 M€, se réservant en l’espèce l’usufruit.

Par application du barème de l’article 669 du CGI la nue-propriété a été valorisée à 80 % du montant total. Des DMTG ont été acquittés pour 635 614 €.

Madame Z est décédée le 30 octobre 2015. La déclaration de succession souscrite mentionnait un actif net successoral de 1 343 596 euros déterminé après prise en compte, au passif, d’une dette de restitution de la défunte envers ses héritiers de 3 200 000 euros, à raison du quasi-usufruit institué par la donation de 2010.

Le fisc, au travers d’une procédure de répression des abus de droit, a estimé que la donation de 2010 était fictive, faute de dessaisissement de la donatrice et, par suite, d’intention libérale et qu’elle était destinée à réduire la base taxable au moment de la succession en raison de l’obligation de restitution pesant sur l’usufruitier d’une somme d’argent.

II. La décision

Le Comité a relevé, en premier lieu, que l’article 587 du Code civil fait de l’existence de la dette de restitution la conséquence de la constitution du quasi-usufruit, alors même que cette dette n’est pas assortie d’une sûreté, dont l’article 601 du Code civil dispense le donateur sous réserve d’usufruit.

Il estime, de ce fait, que l’absence, d’une part, de mention, dans l’acte de donation, de références bancaires précises permettant d’identifier le capital transmis et, d’autre part, de clause prévoyant l’information des nus-propriétaires sur l’utilisation et le remploi des fonds, qui se rapportent aux modalités d’exécution des obligations de la donatrice et non à l’existence de ces obligations, n’impliquent pas, par elles-mêmes, que la donation serait fictive.

En second lieu, le comité souligne, qu’eu égard aux termes mêmes de l’acte de donation partage, la donation portait sur la nue-propriété d’une somme d’argent laquelle devait être présente à la date à laquelle cette donation était consentie. Elle ne pouvait donc légalement porter, même pour partie, sur la somme pouvant résulter de la cession ultérieure de valeurs mobilières par ailleurs détenues par la donatrice.

Il constate, au vu des éléments produits devant lui par le contribuable, que la somme d’argent effectivement détenue par Mme Z à la date de la donation, atteignait 2 952 150 euros, et était donc inférieure à celle de 3 200 000 euros dont la nue-propriété constituait l’objet de la donation.

Le Comité en déduit que l’acte de donation doit être considéré comme fictif à hauteur de la somme d’argent de 247 850 euros.

Le Comité considère enfin, qu’en application de l’article 587 du Code civil, la dette de restitution, qui implique de remettre au nu-propriétaire, à l’expiration de l’usufruit, « soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution », a vocation, lorsque l’usufruit s’éteint par le décès de l’usufruitier, à être acquittée par l’ensemble de l’actif successoral.

Il relève, à cet égard, que les libéralités consenties par Madame Z à ses petits-enfants en mai 2013, ont laissé subsister dans son patrimoine des avoirs suffisants pour assurer le remboursement de la somme de 3 200 000 euros et qu’elles n’ont pas porté atteinte à l’obligation qui pesait sur l’intéressée de conserver la substance de la somme d’argent qu’elle avait donnée en 2010.

Le Comité estime en conséquence que, dans les circonstances de l’espèce, l’administration était seulement fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales pour réduire de 247 850 euros le montant de la dette déductible de l’actif successoral au titre du quasi-usufruit instauré par la donation de 2010.

Le Comité estime en outre, que Madame Z, qui était à la fois donataire et héritier réservataire de la donatrice, doit être considéré comme ayant été le principal bénéficiaire de l’acte constitutif d’abus de droit, au sens du b de l’article 1729 du CGI. L’administration était fondée à appliquer aux droits légalement dus la majoration de 80 % prévue par ces dispositions.

III. Concrètement

L’administration a décidé de se ranger à l’avis émis par le comité.

IV. Source

Avis du Comité de l’abus de droit fiscal : Affaire 22-15, Séance du 11 mai 2023

Par Excen Notaires & Conseils

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