I. Les faits
Monsieur [A] a souscrit deux contrats d’assurance-vie et a désigné en qualité de bénéficiaire Madame [U].
Le 27 octobre 2012, Monsieur [A] a signé deux avenants rédigés par son assistante de vie par lesquels il a modifié les clauses bénéficiaires :
- Pour le premier contrat, la désignation bénéficiaire a été faite au profit de Madame [G] ;
- Pour le second contrat, la désignation bénéficiaire a été faite au profit de Madame [T].
Les avenants ont été adressés à l’assureur après le décès de Monsieur [A]. L’assureur a alors versé les fonds aux nouvelles bénéficiaires désignées (Mesdames [G] et [T]).
Madame [U] a agi en nullité de ces avenants et en condamnation de chacune de ces bénéficiaires, solidairement avec l’assureur, au paiement des sommes correspondantes.
Madame [U] a considéré que les avenants devaient être frappés de nullité sur le fondement de l’article 414-2 du Code civil et plus particulièrement l’insanité d’esprit, mais également en raison de l’absence de consentement réel et sérieux (établie par des éléments extrinsèques aux avenants) permettant de considérer que Monsieur [A] n’avait pas perçu la signification exacte et la portée de l’engagement qu’il prenait.
La Cour d’appel a déclaré irrecevable l’action en nullité de Madame [U] bien que Monsieur [A] n’était pas le rédacteur des avenants, que sa signature était tremblante et mal assurée et que ces avenants avaient été adressés à l’assureur après son décès. Selon la Cour d’appel, ces éléments ne permettaient pas de rapporter la preuve intrinsèque d’une insanité d’esprit (la clause bénéficiaire devant porter en elle-même la preuve d’un trouble mental).
Madame [U] s’est alors pourvue en cassation.
II. La décision
La Haute Cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article L132-8 du Code des assurance, l’assuré peut modifier jusqu’à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, dès lors que sa volonté est exprimée d’une manière certaine et non équivoque.
Au cas d’espèce, La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas s’être s’assurée, au regard de l’ensemble des circonstances extérieures ayant entouré la signature des avenants, de la volonté certaine et non équivoque de Monsieur [A] de modifier les clauses bénéficiaires.
III. Concrètement
La Cour de cassation estime que l’insanité d’esprit du souscripteur ne doit pas être appréciée uniquement dans l’avenant mais au regard de circonstances extérieures.
En effet, la Haute Cour considère qu’il n’y a pas lieu de se limiter aux dispositions des articles 414-1 et 414-2 du Code civil. S’agissant de la désignation mais également de la modification du(des) bénéficiaire(s), l’article L132-8 du Code des assurance exige que la volonté du souscripteur soit exprimée d’une manière certaine et non équivoque.
Contrairement au 2° de l’article 414-2 du Code civil, la preuve du trouble mental ne doit pas résulter uniquement de l’avenant mais d’éléments exogènes.
IV. Source
Cass. 1ère civ. n° 21-12.875 05/04/2023
Par Excen Notaires & Conseils