I. Les faits
À la suite du décès de Monsieur [K] en 2012, Monsieur [T] a hérité de 919 actions en pleine propriété et de 23 actions en nue-propriété de la société [B] dont l’activité était l’exploitation d’une galerie d’art, l’édition de livres d’art et la location d’une partie de son patrimoine immobilier. Monsieur [T] a demandé à bénéficier du dispositif Dutreil en application des dispositions de l’article 787 B du CGI ; dès lors, un abattement de 75 % a été appliqué sur la valeur des titres transmis avant application du barème des droits de mutation à titre gratuit.
L’administration a refusé le bénéfice de l’exonération partielle, au motif que l’activité de la société [B] était, à titre prépondérant, une activité civile, non éligible à ce régime de faveur. Les services fiscaux ont alors notifié à Monsieur [T] une proposition de rectification en mai 2014, puis ont émis un avis de mise en recouvrement en février 2015.
En effet, l’activité de location immobilière
- a représenté :
- 81,19 % de son chiffre d’affaires au titre de l’exercice 2009-2010,
- 69,35 % au titre de l’exercice 2010-2011,
- et 72,67 % au titre de l’exercice 2011-2012,
- correspondait à : 67,22 % de la valeur de ses actifs réévalués.
La Cour d’appel de Paris a validé le redressement en octobre 2020, Monsieur [T] s’est alors pourvu en cassation considérant que la Cour d’appel aurait dû rechercher si la société [B] pouvait être regardée, compte tenu d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature et les conditions d’exercice de ses activités, comme exerçant une activité commerciale prépondérante.
II. La décision
La Cour de cassation rappelle que le dispositif Dutreil implique que la société [B], objet de l’engagement de conservation, doit avoir une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale). La Haute Cour souligne que l’abattement de 75% trouve également à s’appliquer à la transmission de parts ou actions de sociétés qui, ayant pour partie une activité civile autre qu’agricole ou libérale, exercent principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Dans ce cas, la prépondérance s’appréciant en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice.
Malgré la prépondérance de l’activité civile au niveau du chiffre d’affaires et de l’actif brut réévalué de la société [B], la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif que la Cour d’appel de Paris aurait dû examiner, comme elle y était invitée, les autres indices fondés sur la nature de l’activité de la société et les conditions de son exercice.
III. Concrètement
La prépondérance de l’activité opérationnelle (ou civile) dans les sociétés mixtes s’apprécie en fonction du chiffre d’affaires et du poids des actifs dédiés par rapport à l’actif brut réévalué. Cette position jurisprudentielle a été depuis intégrée au BOFiP (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §20).
La Cour d’appel de Paris a, à nos yeux, retenu les deux éléments clés pour déterminer l’éligibilité ou non au dispositif Dutreil. Il lui est reproché ici de ne pas avoir pris en compte les autres indices qui auraient pu faire pencher la balance dans l’autre sens.
Nous avons hâte de prendre connaissance de l’arrêt de renvoi afin de connaître la nature de ces indices et leur impact sur la décision finale.
IV. Source
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 janvier 2023, 20-23.137
Par Excen Notaires & Conseils