RECUPERATION DES AIDES SOCIALES AUPRES DE L’HERITIERE AYANT ASSUME, DE FAÇON EFFECTIVE ET CONSTANTE, LA CHARGE DE LA PERSONNE HANDICAPEE

10.04.23

I.  Les faits

Madame [L] était handicapée à la suite d’un accident de la circulation. Elle a été hébergée dans un foyer d’accueil médicalisé du 1er juillet 2009 jusqu’à son décès, survenu le 22 septembre 2014.

Le 19 mai 2017, le Conseil départemental du Nord a notifié à sa sœur héritière, Madame [C], sa décision de récupérer sur la succession de cette dernière la somme de 270 654,47 € au titre de l’aide sociale versée pour la prise en charge de ses frais de séjour et d’hébergement en établissement en application des dispositions de l’article L132-8 de Code de l’action sociale et des familles (CASF).

Madame [C] estimait qu’en application du 2° de l’article L344-5 du CASF, il n’y avait pas lieu de récupérer les prestations d’aide sociale lorsque l’héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée.

La Cour d’appel d’Amiens a rejeté partiellement son recours, en ce qu’elle n’a retenu les frais relatifs à la prise en charge et l’accompagnement de Madame [L] par sa sœur à hauteur de 90 000 €, somme déduite du montant à récupérer par le département sur l’actif successoral.

La Cour d’appel a considéré que l’assistance apportée par Madame [C] à Madame [L] relevait de l’attachement familial et de la loyauté entre membres d’une même famille ; de sorte que cela ne pouvait avoir pour conséquence de dispenser totalement Madame [C] d‘une action en récupération exercée par le Conseil Départemental.

Madame [C] s’est alors pourvue en cassation.

II. La décision

La Cour de cassation confirme :

  • que le département dispose d’un droit de récupération des aides sociales au titre des frais d’hébergement et d’entretien d’une personne handicapée accueillie dans un établissement mentionné au 7° de l’article L. 312-1 du CASF (établissements et services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale, ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert) ;
  • qu’il n’y a lieu à l’application du recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque l’héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée.

Sur ce dernier point, la Haute Cour précise que « la charge effective et constante » s’entend d’un engagement régulier et personnel de l’héritier auprès de la personne handicapée, placée en établissement, tant d’ordre matériel qu’affectif et moral.

Au regard des très nombreuses attestations de membres de la famille et de tiers (personnel de l’établissement d’accueil et collègues de travail), Madame [C] s’est beaucoup occupée de sa sœur pendant les 25 années qui ont suivies l’accident de la voie publique à l’origine du handicap de celle-ci.

Dès lors, le département ne pouvait exercer à son encontre l’action en récupération des sommes versées au titre de l’aide sociale à l’hébergement, sur sa part dans la succession de Madame [L]. Il n’y a pas lieu, non plus, de limiter l’absence de récupération à 90 000 € comme l’a jugé la Cour d’appel.

III.  Concrètement

De nombreuses aides sociales peuvent faire l’objet d’une récupération.

En application des dispositions de l’article L312-1 du CASF, l’action en récupération peut être intentée contre les héritiers et donataires du bénéficiaire des aides, mais également à l’encontre des contrats d’assurance vie souscrits par le bénéficiaire des aides.

Les allocations peuvent être récupérées sur la succession de l’allocataire quand l’actif net successoral dépasse la somme de 39 000 €. Le recouvrement s’exerce sur la partie de l’actif qui excède cette somme et le recouvrement ne peut avoir pour conséquence d’abaisser l’actif net de la succession en dessous de ce montant.

Notons que ne sont pas récupérables :

  • La prestation de compensation du handicap (PCH) ;
  • Le revenu de solidarité active (RSA) ;
  • L’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

N’est plus récupérable sur la succession du bénéficiaire depuis le 1er janvier 2000 : l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI).

IV.  Source

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 janvier 2023, 21-18.653

Par Excen Notaires & Conseils

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