I. Les faits
Le 30 janvier 2010, Monsieur [I] et ses cinq enfants (Messieurs [R] et [G], Mesdames [W], [B], et [C]) ainsi que la société [HC], ont conclu un contrat intitulé « pacte d’actionnaires », en raison des participations qu’ils détenaient dans la SAS [S]. Ce pacte d’actionnaire prévoyait les effets de la sortie de Monsieur [I] du capital de la société [S] afin que le groupe reste au sein de la famille, ainsi que des dispositions devant immédiatement régir la vie de la société et les actes des associés (notamment le remboursement du CCA détenu par Monsieur [I]).
Par lettre du 23 février 2017, Monsieur [I] et la société [HC] ont notifié à Monsieur [R] (l’un des enfants de Monsieur [I]), la résolution unilatérale du pacte d’actionnaires au motif qu’il s’agissait d’une « stipulation ayant pour objet d’attribuer un droit éventuel sur tout ou partie d’une succession non ouverte donc un pacte sur succession future prohibé par la loi »
La Cour d’appel d’Aix en Provence a rejeté la demande en nullité de ce pacte considérant qu’il ne s’agissait pas d’un pacte sur succession future. Monsieur [I] et la société [HC] ont alors formé un pourvoi contre cet arrêt d’appel.
II. La décision
La Cour de cassation commence en prélude, qu’aux termes de l’article 722 du Code civil, les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.
La Haute Cour souligne que lorsque la nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses de l’acte, elle n’emporte la nullité de l’intégralité de l’acte uniquement si cette ou ces clauses en constituent une condition essentielle et déterminante.
En l’espèce, seul l’article 5 du pacte relatif au CCA de Monsieur [I] pouvait être assimilé à un pacte sur succession future. Cet article ne constituait pas une condition essentielle et déterminante du pacte qui comportait dans les quatorze autres articles des mesures ayant pour objectif de définir la stratégie de gestion que devraient adopter ses héritiers lorsque Monsieur [I] se serait retiré des affaires ou serait décédé (stratégie d’entreprise, responsabilité des descendants, rémunération des mandats sociaux, prise de décisions collectives, embauche de certains collaborateurs, fonctionnement des holdings familiales, cession des actions entre descendants, droits sociaux dérivés, politique de distribution des dividendes, engagements de non-concurrence, droits de préférence, de l’arbitrage et de la médiation en cas de mésentente entre descendants).
L’article 5 du pacte d’actionnaire n’était pas un élément essentiel du pacte d’actionnaire, ni déterminant de l’engagement des parties, la Cour de cassation confirme donc que la demande de nullité du pacte en son entier devait être rejetée.
III. Concrètement
Les pactes sur succession future sont prohibés, la nullité s’applique alors ad nutum.
Même si un pacte d’associés peut prévoir le sort des parts d’un associé/actionnaire en cas de décès (voire de ses comptes courants d’associés), la Haute Cour considère qu’il n’y a pas lieu de le qualifier de pacte sur succession future dès lors que cette mesure n’est pas essentielle, ni déterminante.
Cela signifie donc que le pacte d’associé qui ne traiterait que du décès des associés (ou du moins en grande partie), s’expose à la nullité.
IV. Source
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 janvier 2023, 19-25.478
Par Excen Notaires & Conseils